lundi 7 avril 2008

CINE : LE NOUVEAU PROTOCOLE



Un homme perd son fils dans un accident de voiture. Celui-ci suivait des essais thérapeutiques. A-t-il perdu le contrôle de son véhicule, victime d'une somnolence provoquée par les médicaments ? Une militante le prétend, convaincue que le laboratoire veut étouffer l'affaire comme il a occulté les raisons de la mort de son mari, lui aussi cobaye.

Le Nouveau Protocole fonctionne en tant que film de genre (thriller) et en tant que film-dossier (les méfaits de l'industrie pharmaceutique, tels que décrits dans Cobayes Humains ou L'Envers de la Pilule
). L'intérêt du film, son enjeu central, fiévreux, vient de ce que ces deux aspects se battent l'un contre l'autre. Si les personnages ont raison, il s'agit d'un film-dossier. S'ils ont tort, c'est un thriller sur des fous. Les héros voient-ils juste un complot, un scénario de film classique *, alors que se déploie autour d'eux une réalité bien plus vaste, massive et complexe ? Cherchent-ils envers et contre tout à investir d'une signification la mort impensable d'un être cher ? A comprendre, à capturer, à maîtriser la réalité en la vivant comme un complot délimité, analysable, déjouable ? Porté par une mise en scène et un rythme secs, durs, tendus, le film pousse d'autant plus à la réflexion qu'il s'avère à la fois fortement documenté et sciemment ambigu. Il ne laisse pas au spectateur le repos des réponses nettes. Il préfère le troubler et le hanter, longtemps. Propos du réalisateur :
"Généralement, à la fin des films de dénonciation, on sort tranquille. Le spectateur dit à sa femme, « Ces types sont de sacrés enfoirés, mais heureusement, toi et moi cocotte, on est du bon côté ! ». Quelle hypocrisie de laisser le spectateur partir avec ce petit quant à soi. Il ne s’agit pas d’être agressif, ou sentencieux, mais simplement d’essayer de provoquer une réflexion ou de lancer un débat, « Et alors, vous en pensez quoi de tout ça ?». L’idée n’est pas neuve, dans les années 70, bon nombre de films avaient cette même ambition. Le cinéma ne change peut-être pas le monde, mais on peut agiter la question".

"Comment être posé et rationnel si l’on veut s’opposer à l’ordre de ce monde en désordre ! Comment ne pas être radical ? On ne peut pas se mettre en opposition en menant une vie de petit bourgeois bien élevé. Les gens qui passent de l’autre côté deviennent des activistes, des résistants. Si l’on n’accepte pas que le monde demeure en l’état, ça ne peut pas s’exprimer en dehors de l’excès. Et là encore, plus que de parler de l’industrie pharmaceutique, ce film reflète un sentiment qui est partagé, il me semble. C’est le sentiment de notre impuissance en tant que citoyen. Parce que d’accord, on vit dans des démocraties, c’est super, mais quand on vote, quand on manifeste, est-ce que ça change vraiment les choses ? Est-ce que l’on corrige certaines pratiques inacceptables de l’industrie pharmaceutique lorsqu’on les dénonce ? Pas vraiment. De même, lorsqu’on dit : « La planète se réchauffe, ça va être vraiment affreux, nos petits enfants vont en crever !», on continue quand même à faire des enfants, moi le premier... Mais que faire d’autre ? Comment se battre ? Le film vient vraiment du malaise global que tout le monde ressent : comment agir quand il n’y a aucune proposition, aucune solution, aucune utopie ? Kraft est vraiment porteur de ce sentiment d’impuissance. Tout à coup, ce consensus déprimant lui devient insupportable. Il veut passer à l’action".

"Les documents rassemblés par Eric Besnard qui a longuement enquêté sur le sujet m’ont surpris par le cynisme généralisé qui est mis en oeuvre. Le film s’ouvre sur une campagne d’essais cliniques en Afrique, inspirée de celle d’un laboratoire américain au Nigéria dont l’affaire est encore en cours de jugement. Quand le personnage de William interprété par Gilles Cohen parle des essais de protocole antisida sur les prostituées au Kenya, c’est aussi une affaire réelle. On fait courir des risques à des gens qui ensuite n’auront même pas les moyens de s’acheter les médicaments dont ils sont les cobayes. Les trithérapies, c’est pour les occidentaux, mais pas pour eux. L’autre aspect intéressant et moins connu évoqué dans le film, c’est la façon dont l’industrie pharmaceutique peut créer des pathologies. Ils sont juge et partie. Tous les ans, on est captif d’un nouveau syndrome. Au travers de campagnes d’informations et de pub, on nous dit «vous avez du cholestérol, vous allez mourir». Alors tout le monde panique et veut être mis sous anti-cholestérol..."
* La dramaturgie du cinéma classique vise avant tout à l'efficacité, à l'économie de l'action. Elle ordonne et simplifie le monde de sorte que chaque action des personnages, chaque élément narratif fasse sens, possède une importance. D'ailleurs Signes, de Shyamalan, grand film sur la puissance du cinéma classique (et de la religion ?), compare le scénariste à Dieu : s'il n'y a pas de hasard, c'est qu'il existe un Grand Ecrivain. Mel Gibson retrouve la Foi (au sens large) en même temps que le spectateur, emporté par la mécanique narrative imparable du film. D'aucuns considèrent que c'est un tract pour l'Eglise. Pffff, le cinéma est une religion :p

2 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai failli me laisser tenter et aller voir ton film et puis tu as namedroppé Signs. Et là je suis fendu une côte de rire.

Blog l'éponge a dit…

Va donc chier :p