mercredi 24 décembre 2008

LES EPONGES D'OR 2008



EPONGE D'OR JEU VIDEO : MOTHER 3, UN RPG DE GAUCHE FOUFOU SUR GAME BOY ADVANCE


Eh oui, le meilleur jeu de 2008 date de 2006, ne paie pas de mine et concerne une console portable sortie en 2001 ! Disponible uniquement en version japonaise jusqu'à présent, Mother 3 vient enfin d'être traduit en anglais par une talentueuse équipe de fans (lire cette interview de l'un d'entre eux)*. Il était temps : c'est un chef-d'oeuvre du jeu de rôle, un sommet du jeu vidéo narratif, et sans doute le titre le plus significatif édité par Nintendo depuis The Legend of Zelda : Majora's Mask.

Mother 3, c'est une histoire tragique et extravagante, individuelle et collective, grave et hilarante, épique et familiale, poétique et politique, chorale et déployée dans le temps. C'est un tempo, une variété, une inventivité irrésistibles. C'est un système de combat et d'inventaire impeccablement équilibré, qui évite les traditionnels affrontements aléatoires et ne manque pas de subtilité. C'est une bande-son entêtante et éclectique qui compte pas moins de 200 morceaux (!), dont un thème principal aux déclinaisons bouleversantes. C'est une oeuvre d'auteur où les mécanismes de jeu eux-mêmes expriment parfois des émotions et des idées. C'est un graphisme 2D d'une beauté rare : les détails soigneusement choisis, l'invraisemblable naturel des animations, l'intelligence de la mise en scène (au sens théâtral et cinématographique) construisent un monde palpable, chargé d'histoire et de sens.

Mother 3, c'est surtout une justesse impressionnante, des dialogues capables de nouer l'estomac, des thèmes sérieux évoqués de manière simple, forte et souvent visuelle (les conséquences de l'apparition de l'argent, l'acceptation de la mort -la sienne et celle des autres...). Mother 3, c'est un grand RPG de gauche (son créateur, Shigesato Itoi, est un ancien militant marxiste-léniniste), humain, délirant, foisonnant. Vingt-cinq heures plus indispensables que tous les jeux haute-définition à 70€ commercialisés cette année.

* Pour jouer à Mother 3, utilisez cet émulateur, ce patch de traduction et une copie du jeu, facile à trouver sur le Net. Bien sûr, vous devez posséder la cartouche originale, sinon il s'agit de piratage.




EPONGE D'OR SERIE : THE WIRE, UNE GRANDE FICTION POLICIERE ET SOCIALE

Unanimement saluée par la critique comme l'une des plus ambitieuses séries jamais tournées, The Wire se situe dans la grande ville américaine de Baltimore, dont elle analyse les rouages sociaux et politiques. Chacune des cinq saisons montre un aspect de la ville (le trafic de drogue, le port, la bureaucratie, le système scolaire, les journaux) et prend la forme d'une dizaine d'épisodes d'une heure. La série octroie une importance égale à tous les points de vue : dans la première saison par exemple, la caméra suit autant l'enquête policière que le quotidien des dealers.

Une anecdote permet de mesurer le degré de documentation et de connaissance du terrain sur lequel s'appuie la série. Les flics ou dealers qui croisent les acteurs leur disent systématiquement : "Vous êtes les premiers à montrer comment ça se passe vraiment. Tous les personnages, on les connaît". Pas étonnant : le créateur de The Wire, David Simon, est un ex journaliste spécialiste des affaires criminelles. Quant à Ed Burns, l'un des scénaristes et producteurs, il s'agit d'un ancien flic et professeur.

A la fois extrêmement accrocheuse, réaliste et humaniste, The Wire, contrairement à la majorité des fictions policières, s'affiche clairement à gauche (décidément) : elle s'intéresse d'abord à l'influence des institutions, du milieu social ou de la famille sur les individus et décrit des personnages tout en nuances, qu'ils soient flics ou voyous.

Un coffret contenant l'intégrale de la série vient de sortir en Angleterre (DVD Zone 2) et aux Etats-Unis (Zone 1) : l'occasion de découvrir ce monument, qualifié de "meilleur show télé de tous les temps" par Alan Moore (l'immense auteur de Watchmen et From Hell) et Barack Obama lui-même... La politique du nouveau président s'attaquera-t-elle aux désastres sociaux dont témoigne la série ? On peut en douter. Mais il ne pourra pas dire qu'il ne savait pas. Vous non plus.




EPONGES D'OR CINEMA, EX AEQUO : A BORD DU DARJEELING LIMITED, NO COUNTRY FOR OLD MEN, HELLBOY II

Vous savez déjà tout le bien que pense l'Eponge du plus beau Wes Anderson, du plus grand Coen Bros. et du plus généreux Del Toro : inutile d'en ajouter.




EPONGE D'OR MUSIQUE : DEERHOOF, OFFEND MAGGIE

A la fois pop et torturé, accrocheur et avant-gardiste, Offend Maggie synthétise la musique de Deerhoof et constitue, avec The Runners Four, le meilleur album de ces gentils maboules. Deerhoof, quoi qu'où qu'est-ce ? Des mélodies douces ou dissonantes, des rythmiques, arrangements et constructions souvent singuliers, une chanteuse jap à la voix enfantine... Hop, p'tite compil maison pour nos amis spongieux. Les plus pressés (ou paresseux, ou dubitatifs) peuvent écouter les morceaux ci-dessous :

> Wrong Time Capsule

> Lemon & Little Lemon

> Eaguru Guru

> Chandelier Searlight

> The Galaxist

> Milk Man

> Choco Fight

> Desaparecere

> My Purple Past

mercredi 10 décembre 2008

CINE : TERMINATOR : SALVATION



Après un teaser diffusé en juillet dernier, la première bande-annonce de Terminator : Salvation vient enfin d'être dévoilée il y a quelques heures. Le film se déroule entièrement après le fameux Jugement Dernier et raconte les premières années de la guerre contre les machines, avant la conception du T-800 (le modèle incarné par Schwarzenegger dans les trois premiers films).

La bande-annonce montre une partie des éléments que greffe le film à la mythologie Terminator : Marcus Wright, un mystérieux personnage amnésique dont le dernier souvenir est sa condamnation à mort (et que Connor soupçonne d'être un T-800, d'après le trailer) ; le T-600, plus imposant et lent que le T-800 et pourvu d'une mitrailleuse lourde ; des motos Terminators ; des camps de prisonniers que Skynet utilise pour étudier les humains ; et surtout un Terminator géant d'une quinzaine de mètres qu'on croirait sorti d'un dessin animé japonais !

McG, connu pour... Charlie et ses drôles de dames, réalise le film. Difficile, dès lors, de ne pas douter du projet... sauf que le bonhomme semble sincèrement passionné par son sujet, et assisté par des collaborateurs de premier ordre : le légendaire Stan Winston a travaillé sur le design et les effets spéciaux des créatures avant de mourir, Conrad Buff (Terminator 2, yeah !) se charge du montage, et le charismatique Christian Bale incarne John Connor.

McG affirme avoir privilégié l'histoire et les personnages, et perfectionné quotidiennement le scénario avec Bale lors du tournage. Il souhaite créer un long-métrage d'"une grande ampleur mais possédant les nuances et le sous-texte d'un film indépendant de haute qualité"... Ce qui constitue une manière compliquée de dire qu'il s'agira d'un bon film, fidèle aux qualités des précédents. Rappelons en effet que des thèmes puissants (libre-arbitre, auto-destruction de l'humanité, holocauste nucléaire...) ont toujours innervé la saga et que les trois premiers Terminator sont des films indépendants (on pourrait ajouter que l'étiquette "indépendant" a perdu de son sens depuis que les majors ont établi leurs propres filiales pseudo-"indépendantes", mais passons).

En tout cas, la bande-annonce suggère une mise en scène assurée, ne cédant pas au surdécoupage et aux effets "capturé sur le vif" exagérés qui affligent certains blockbusters hollywoodiens : plans assez longs, caméra mobile sans être perpétuellement tremblotante... Espérons toutefois que le classement PG-13 que vise le film ne nuise pas à sa rugosité, les précédents Terminator étant classés R. McG défend ce choix en citant Batman Begins, un autre PG-13 filmé selon lui "sans compromis" (un argument valable) et prétend que le film "passe en premier" et sera "protégé à chaque instant".

En attendant la sortie française de Terminator : Salvation en juin 2009, nous patienterons grâce à la série The Sarah Connor Chronicles, qui a dépassé nos plus fous espoirs spongieux. Tous les thèmes pressentis dès le pilote (notamment le processus d'apprentissage des machines au contact des humains) s'avèrent exploités avec une intelligence épatante.

Les pistes et enjeux se multiplient, les personnages se révèlent bien plus complexes qu'il n'y paraît, les dialogues sont tranchants, les scénaristes savent manifestement où ils vont (selon l'acteur principal, ils ont déjà défini l'intrigue globale des cinq premières saisons !) et, fait trop rare dans une série télé, la mise en scène offre parfois de vraies idées de cinéma (un long plan filmé depuis le fond d'une piscine où un Terminator jette un à un les corps des policiers qui l'attaquent). Evidemment, des scènes ou épisodes faibles voire ridicules subsistent, mais le niveau de qualité global surprend.

Malheureusement, les chiffres d'audience décevants risquent d'entraîner l'annulation du show après la fin de la seconde saison, actuellement diffusée aux Etats-Unis et téléchargeable en VO sous-titrée en français aux adresses habituelles. Quoi qu'il en soit, aucun amateur de Terminator digne de ce nom ne peut snober cette série remarquable.