jeudi 26 février 2009

LIVRE : LA ROUTE



Un homme, un enfant, un caddie et une Amérique cendreuse : La Route (The Road en VO) est un roman post-apocalyptique aussi court que dépouillé. Les phrases et paragraphes brefs et elliptiques, l'intrigue se concentrant sur la survie des personnages au quotidien (trouver de la nourriture, un refuge, un chemin), l'absence d'explication donnée à la fin du monde, le style minimaliste permettent aux souvenirs et à l'imagination du lecteur de s'engouffrer dans le récit et installent un rythme singulier. Par contraste avec la sobriété globale de l'écriture, chaque jaillissement d'horreur ou de poésie, chaque métaphore ou flashback, chaque scène d'action acquièrent une puissance dévastatrice.

La Route sera adapté au cinéma cette année, avec Viggo Mortensen dans le rôle principal. On peut s'interroger sur l'intérêt créatif de la démarche : la beauté, l'originalité et la force du livre doivent tout à l'écriture très particulière de Cormac McCarthy -écrivain très populaire aux Etats-Unis, auteur du livre dont est tiré No Country for Old Men et récompensé du prix Pulitzer pour La Route.

Dans tous les cas, amis spongieux, lisez ce roman maintenant, avant que le film n'en pollue votre représentation mentale. Ce grand bouquin a déjà influencé les auteurs de Fallout 3 et Terminator : Salvation. Evocateur et bouleversant, il nous rappelle que ni les hommes, ni la société ne sont éternels. En ces temps incertains, on peut y trouver une énergie supplémentaire pour se dépêcher de vivre et d'agir.

lundi 16 février 2009

JEU VIDEO : FLOWER


(making-of à regarder de préférence après avoir terminé le jeu)

A la fin du film Princesse Mononoké*, une vague de végétation luxuriante provoquée par la mort du Dieu-Cerf s'abat sur le monde et le recouvre à toute vitesse. Imaginez maintenant que vous êtes cette vague. D'abord simple pétale porté par le vent, vous devenez comète à mesure que des fleurs se greffent à vous. Sur votre chemin, le monde se régénère, l'herbe renaît, se courbe et bruisse, les couleurs se ravivent et la nature se venge de la civilisation. C'est cette expérience unique que procure Flower, "poème vidéoludique" muet aussi court que flamboyant, disponible depuis peu sur la boutique en ligne de la PlayStation 3.

D'une qualité de finition impressionnante, Flower conjugue l'esprit d'un jeu vidéo indépendant avec les moyens importants d'une production interne de Sony. A l'instar d'Okami, il valorise l'action la plus banale que peut proposer un jeu vidéo -traverser un univers- à la faveur d'effets visuels et sonores enchanteurs. Plus généralement, il adapte ses mécanismes aux émotions sereines qu'il souhaite susciter : aucun game over, un challenge presque absent, un système de contrôle très simple et intuitif (l'agrégat de pétales se dirige en inclinant la manette et en pressant n'importe quel bouton pour accélérer). Pour autant, il s'agit d'un vrai jeu : plus l'on maîtrise son avatar, plus les parties gagnent en fluidité et grisent les sens jusqu'à générer un sentiment d'euphorie d'une intensité rare.

En dire davantage sur ce micro chef-d'oeuvre de deux heures, moelleux et épuré, serait criminel. Destiné aux amoureux du jeu vidéo "moderne" (c'est-à-dire guidé par l'émotion, le sens, l'histoire à transmettre) mais pas seulement, Flower est la plus belle surprise de ce début d'année.

*
Sommet du cinéma épique et meilleur film de Miyazaki avec Mon Voisin Totoro, comme le savent déjà nos amis spongieux ^^

CINE : BURN AFTER READING



Deux employés d'un club de remise en forme (Frances McDormand, Brad Pitt) trouvent par hasard des documents appartenant à un ex agent de la CIA (John Malkovich). Ils décident de le faire chanter en lui échangeant contre une rançon... Après No Country for Old Men, les frères Coen reviennent avec un film en apparence plus léger mais peut-être bien plus désespéré. Volontairement surjoués, tous les personnages se révèlent stupides ou d'un cynisme ahurissant (les agents de la CIA). Le film se moque de la gueule de tout le monde, mais la plupart des protagonistes possèdent suffisamment de motivations pour susciter l'empathie. On a même régulièrement envie de pleurer avec eux, de plaindre leur peur de vieillir, leur besoin de reconnaissance ou leur incapacité à exprimer ce qu'ils ressentent.

Plutôt cérébral, l'humour de Burn after Reading ne procède pas tant par gros gags que par accumulation : c'est surtout dans la deuxième moitié du film qu'on se décroche la mâchoire, quand les événements prennent des proportions grotesques, quand les trajectoires des personnages finissent par s'entrechoquer pour aboutir à d'énormes quiproquos aux conséquences terribles (l'hilarante scène de la hâche). De ce point de vue, le scénario adopte une structure proche d'un épisode de Seinfeld. Sauf qu'ici, on rit jaune : Burn after Reading est une tragicomédie sur l'"idiotie de l'époque", comme le dit Malkovich dans un dialogue mémorable.