mardi 21 novembre 2006

JEU VIDEO : QUAND NINTENDO PARLE

Nintendo est l'un des plus grands studios mondiaux de création de jeux vidéo. C'est aussi l'un des plus mystérieux - on se souvient des pauvres journalistes anglais de Edge (le magazine spécialisé le plus respecté dans le monde) qui, pour leur n°100, se déplacèrent jusqu'au Japon pour finalement obtenir 45 misérables minutes d'interview avec le président de la société et le créateur des séries Mario et Zelda, Shigeru Miyamoto. Il est certes arrivé à Shigeru Miyamoto de s'exprimer en détails sur son métier, mais rarement (un discours prononcé à une conférence professionnelle en 99, ou quelques entretiens dont celui-ci, malheureusement trop court, que j'ai réalisé).

Hé bien le temps des secrets est révolu. Sur le site officiel de la Wii - la nouvelle console de Nintendo -, de très longues et passionnantes interviews d'employés de Nintendo décrivent avec précision, humour et intelligence le processus de conception de jeux comme Wii Sports ou Zelda. Ici, peu de langue de bois ou de discours promotionnel. Pour la première fois, on mesure très exactement la quantité de talent, de temps et de travail nécessaire au développement de projets colossaux comme Twilight Princess, le dernier épisode épique et mélancolique de Zelda. Voilà quelques extraits remarquables de ces interviews :
"J'ai d'abord connu Zelda en tant que joueur, et ce que j'ai toujours admiré et considéré comme l'essence de Zelda, c'est que lorsque le joueur essaie une action pour voir ce qu'il va se passer, le jeu répond toujours de manière appropriée".

"Le jeu autorise tant d'actions différentes que le joueur n'a jamais l'impression d'être obligé de faire quelque chose. Cela donne au joueur le sentiment d'avancer dans le jeu grâce à ses propres initiatives et aux solutions qu'il a trouvées tout seul. Pour moi, c'est l'essence de Zelda que de donner cette impression que l'on progresse à sa manière".

"Tracer la frontière entre les objets avec lesquels il est possible d'interagir et les réponses adaptées du jeu d'un côté, et tout ce qui est superflu de l'autre, n'est vraiment pas facile. Si vous en enlevez trop, le monde du jeu perd en réalisme mais si vous en laissez trop, la tâche est infinie".

"A un moment dans le jeu, Link se transforme en une espèce de loup. En d'autres termes, le joueur doit diriger une créature à quatre pattes. Alors que nous discutions de l'apparence du loup, Miyamoto-san nous a fait remarquer qu'il n'était pas très intéressant de voir sans arrêt de derrière un animal à quatre pattes. Il est vrai que si vous regardez un animal à quatre pattes de profil ou de trois-quarts, vous pouvez voir le mouvement des pattes et celui du reste du corps. Mais vu de derrière, c'est bien plus ennuyeux qu'un humain. Miyamoto-san nous a donc suggéré de jucher quelqu'un sur le dos du loup. Au début, nous y avons mis un personnage assez neutre, mais au final, ce personnage occupe une place centrale dans l'histoire".

"Evidemment, le jeu n'a pas été conçu pour réagir à tout ce qui pourrait vous passer par la tête, mais il y a beaucoup de ces situations où vous vous dites "je parie qu'il y a quelque chose par là !" Et une bonne surprise a été placée dans le jeu à cet endroit. Les développeurs essaient toujours de voir les choses du point de vue du joueur, et je pense qu'ils placent ces éléments dans le jeu en sachant pertinemment ce que le joueur ferait dans une situation donnée".

"Dans Zelda, une fois que le joueur a résolu une énigme, il doit pouvoir paisiblement profiter du jeu pendant quelque temps. En ce sens, c'est une construction très différente des jeux du type "Mario" où la difficulté augmente de façon constante".

"Bien que Mario et Zelda reposent sur le même principe, je dirais que Mario est amusant d'une façon immédiate et très accessible, alors que Zelda donne vraiment le sentiment de s'épanouir et d'évoluer tout au long du jeu".

"Miyamoto-san m'a simplement dit "Va faire du cheval !" (rires) J'ai emmené le designer responsable du cheval et la personne responsable des animations de Link et du cheval, et nous sommes partis tous les trois travailler sur le terrain. Comme nous sommes débutants, notre maîtrise laissait un peu à désirer, mais cela nous a permis d'apprécier la taille des chevaux en étant à leurs côtés, ainsi que la sensation de chevaucher un animal imposant, avec cette impression agréable de ne pas tout contrôler. Nous avons expérimenté tout un tas de choses, y compris la façon dont monter à cheval affecte votre champ de vision, et je crois que certains éléments du jeu n'auraient pas pu être intégrés si nous n'avions pas tenté l'expérience. C'est vraiment ça que je voudrais que les joueurs ressentent".

"Je pense que l'essence de Zelda, c'est le fait d'être au cœur de l'action, que ce qui se passe dans le jeu vous arrive à vous, le joueur. C'est un jeu où lorsqu'on est absorbé dans l'aventure, on n'a plus l'impression de contrôler un personnage mais d'être soi-même en train de pousser des blocs. On a alors réellement le sentiment d'avoir résolu des énigmes au cœur d'un donjon. Et cette sensation ne se retrouve pas uniquement dans la résolution de puzzles ou lors des combats : on la retrouve également lorsqu'on rencontre de nouveaux personnages ou qu'on découvre de nouveaux lieux. En fait, on pourrait le résumer en une notion, celle du "fantastique", mais le fait de s'immerger dans un monde imaginaire est différent de l'expérience que l'on peut vivre en regardant un film. C'est ce qui rend les jeux Zelda uniques. En jouant, on est aussi amené à rencontrer une foule de personnages uniques et décalés, le genre qui vous fait penser "aucun jeu ne devrait voir apparaître un personnage pareil !". C'est quelque chose qui n'est pas essentiel mais que l'on pourrait qualifier de typiquement " Zelda-esque"".

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