samedi 3 février 2007

JEU VIDEO : POURQUOI JOUE-T-ON ?


Pourquoi joue-t-on ? Pourquoi ai-je ça dans le sang ? Pourquoi suis-je capable de passer sept heures d’affilée devant le dernier épisode de Zelda, Halo ou Final Fantasy ? Ces questions, je sais y répondre depuis longtemps - confusément du moins. Mais soyons précis. Dans leur livre "L’univers des jeux vidéo", Alain et Frédéric Le Diberder définissent ainsi les cinq plaisirs du jeu vidéo : compétition, accomplissement, maîtrise d'un système, plaisir du récit, spectacle.

De mon côté, je joue pour stimuler mes sens et mon intellect d'une manière absolument unique, propre aux jeux vidéo : une sorte de croisement entre la performance sportive (une exigence de rapidité et de précision, une forme de pensée dans le feu de l'action, une sollicitation de la mémoire musculaire qui évoquent la pratique du tennis, des échecs, du tir à l’arc...), le cinéma (la narration par l’image, la volupté visuelle et sonore, la puissance d’immersion...) et l'installation (la déambulation dans des espaces en 3D, les lieux qui racontent des histoires).

Je joue pour connaître le flow state - un état second, très familier des musiciens, sportifs ou acteurs, grâce auquel l’individu s’oublie, se dissout entièrement dans ce qu’il fait.

Je joue pour sentir un rapport dynamique, dramatique, intense, quasi tactile, à un monde fictif cohérent créé par d'autres.

Je joue pour goûter à des "tranches de gâteaux", pas à des tranches de vie (pour paraphraser Hitchcock, qui parlait en ces termes de l’écriture cinématographique).

Je joue pour assister à l’évolution d’un nouvel art aux potentialités encore largement inexplorées.

Je joue afin d'analyser et de communiquer mon enthousiasme pour des œuvres et des créateurs qui méritent la même reconnaissance que les grands films et cinéastes.

Je joue parce que je suis convaincu que le jeu vidéo peut exprimer, avec des moyens qui lui sont spécifiques, toutes les émotions, tous les thèmes, tous les discours imaginables.

Je joue pour traquer des idées fortes et originales (de conception, d’interface, de mise en scène, d’écriture, de sound design…), à même de démontrer que les grands auteurs de jeu vidéo réfléchissent à leur art et tentent de le faire avancer.

Je joue pour nourrir des articles - et ainsi gagner de l’argent.

Je joue peut-être également, sans en avoir toujours conscience, pour vaincre la peur de la mort et me soustraire au travail.

Évidemment, je joue aussi, et peut-être surtout, pour m’éclater comme un gosse, seul ou à plusieurs, hors ligne ou en ligne, le sourire aux lèvres, les yeux pleins d’émerveillement et d’excitation, le bout de langue qui dépasse dans un rictus concentré.

Je joue et je ne m’arrêterai jamais. Je croise parfois des gens qui ne le comprennent pas. Ils considèrent le jeu vidéo comme un passe-temps d’adolescent qui, forcément, « passera à autre chose ». Cet extrait d’une belle chronique d’Olivier Séguret, parue dans le numéro 4 du défunt magazine Gaming, auquel je participais, s’adresse à eux :
A des journalistes matérialistes qui cherchaient à mesurer ce que le jeu vidéo pouvait apporter, sur un plan personnel, aux adultes, je n’ai trouvé, dans le désarroi, que cette citation du dernier Godard, Éloge de l’amour : « L’enfance et la vieillesse sont les deux seules vraies étapes de la vie ; l’âge adulte, ça n’existe pas ». Avec le jeu vidéo, il paraît au fond possible à l’adulte que je m’étonne encore être devenu, de tendre vers la sagesse désirée du vieil et grand écrivain oisif sans lâcher la main de l’enfant contemplatif qui m’a tout appris. La position est plus poétique que politique mais elle est tenable. Au passage, toutes les récriminations en provenance du monde « adulte » s’en trouvent relativisées. L’enfant voit dans le jeu de la magie, le vieux sage devrait y voir de l’art, l’adulte se rassure ou s’effraie en y voyant de la virtualité. Il n’a vraiment rien compris.

9 commentaires:

Fate a dit…

Plutôt d'accord. Même si je me sens plus dans la partie ceux qui veulent du défi. Je suis surtout attiré par ce genre de jeux. Puis c'est presque un moteur d'achat. Si Viewtiful Joe ne possédait pas cette difficulté, je ne l'aurai pas pris. C'est assez glorifiant de réussir une étape très difficile, ceci explique cela. Sauf dans les P&C, c'est lourd. Il ne s'agit pas de surmonter une étape. Il n'y a aucune satisfaction à réussir chez moi et ce n'est pas faute d'essayer pourtant.

"Ils considèrent le jeu vidéo comme un passe-temps d’ado neuneu qui, forcément, « passera à autre chose »"

Normal, les médias ont bien fait leur boulot en grande partie malheureusement. Puis un adulte, c'est mature alors les jeux-vidéo étant pour les gamins, il passera obligatoirement à autre chose.

Sax Power a dit…

Perso, je joue pour une raison très claire : dans la vie, ce qui m'importe le plus c'est le plaisir, seule chose qui résiste au fait que je peux mourir à tout instant et cesser brutalement d'être à tout jamais. Or, certains plaisirs sont associés à un danger de mort, de souffrance ou à un manque de respect à la personne humaine, à commencer par la griserie de la violence bien entendu.

Ainsi, le jeu vidéo à mes yeux est le meilleur moyen, et de plus en plus avec le progrè technique, de résoudre cette opposition.

De là, le virtuel n'est plus le pis-allé pathétique du gars qui ne vit pas vraiment pas sa vie, mais au contraire la sublimation sublime de la violence inhérente à l'être humain.

C'est aussi pourquoi je conchie les jeux gnan gnan et qui proposent de simuler un réel banal et innocent comme habiter un village, faire la cuisine, caresser un chien... Je préfère tout ça en vrai (sauf caresser un chien, sérieux... c'est nul !).

En résumé, un amateur de jeux ultra violents et gore comme moi est en réalité un grand humaniste lucide, particulièrement attaché au respect de l'autre.

Anonyme a dit…

"Pourquoi joue-t-on?"... Hum... Parce que FF XII existe, que des centaines de gens ont réussi là où tous les romans de la terre ne vous amèneront jamais, repoussant toutes les limites de ce que peut faire le cinéma (et pourtant, Dieu sait que j'aime le cinéma...) et qu'un jeu comme celui là a le pouvoir infini de faire voyager entre réalité et rêve complet en permanence, de nous faire voir cette frontière et de nous émerveiller sur ce qui peut s'y passer de ces deux côtés... A la vôtre...

Anonyme a dit…

Non mais en plus y a Okami, qui est de plus en plus beau au fur et à mesure qu'on avance dans le jeu (si, si, c'est possible)... Avec des décors encore plus oniriques et des musiques toujours plus magiques, rappelant les meilleurs moments de FF VII (référence en ce qui me concerne, comme tu le sais...). Encore plus une raison de jouer, de voyager même... et une de moins de travailler "sérieusement"...

Anonyme a dit…

Je suis musicien depuis un certain nombre d'années, fanatique des Final Fantasy depuis l'âge de 9 ans et toujours autant émerveillé par les petits bijoux que Squaresoft nous a sorti ( j'ai plus de mal avec square-Enix ).

J'ai eu une enfance plongé dans le bruit, l'agitation ( 5 frères et soeurs, un collège particulièrement hard ) et le jeu vidéo m'a permis, autant que la musique aujourd'hui de m'échapper, d'être autre chose qu'un petit garçon banal. Le jeu vidéo est avant tout un moyen de rêver, ou comment faire apparaître des histoires avec des pixels...

Mes amis me disent que le jeu vidéo est condamné, formaté pour des critères économiques. Moi je crois qu'il y aura toujours des gens prêts à faire rêver les autres en exposant leur rêve.

Le flow state ne m'est pas inconnu, mais je viens d'apprendre qu'il existait un nom pour le décrire. Le jeu vidéo, c'est pouvoir atteindre une dimension extraordinaire par des moyens ordinaires. Le jeu vidéo, avant d'être une machine à fric, c'est un art.

Parole de musicien.

Unknown a dit…

P'tain, t'écris des choses vraiment belles :).

Non, sérieux je reconnais beaucoup de moi-même dans ton analyse ;)

Blog l'éponge a dit…

Ouah, un commentaire 3 ans après ^^ Merci ;o)

Unknown a dit…

bon article (3 ans après également..)
Serait t'il possible de te contacter via mail afin d'avoir ton point de vu sur un projet actuellement en cours ?

Je me connecte avec mon compte google j'en déduis donc que tu auras mes coordonnées.

Ds l'attente,

merci,

ima

Blog l'éponge a dit…

Je n'ai pas accès à tes coordonnées, mais tu peux m'écrire sur pierregaultier (at) free (point) fr