mercredi 2 juillet 2008

IDEES : DESINTEGRER LA PROPAGANDE ECONOMIQUE DE LA DROITE : LA GAUCHE AU TRAVAIL !

Hier, sur I>Télé, "débat" sur les 35h dans "N'ayons pas peur des mots". Le présentateur se demande s'il faut faire sauter le "verrou" des 35h... Et hop, en une phrase, tout "débat" est écarté : si les 35h sont un "verrou", sa question n'est que rhétorique. Et en effet, tous les invités, même ceux de "gauche" (un gars de Marianne), approuveront le projet de loi du gouvernement. Bel exemple de "débat" équilibré.

Les medias nous assènent quotidiennement les mêmes pensées non pensées. Des discours de "bon sens" relayés robotiquement. De la pure propagande gouvernementale. Un arsenal de raisonnements simplistes et d'expressions orientées, destiné à empêcher toute réflexion, à étouffer tout débat avant même qu'il puisse naître.

Dans ce contexte, quel soulagement d'entendre un discours différent, fondé sur de vrais chiffres : celui de Pierre Larrouturou, économiste et délégué national Europe au... PS. Attendez, ne fuyez pas : il fait partie des rares hommes politiques qui pensent encore dans ce parti. Clairement situé à la gauche du PS, Larrouturou est partisan de la semaine de quatre jours. Hérésie ? Délire de gauchiste ? Je défie pourtant quiconque de contester son argumentation. Imparable, celle-ci est résumée dans cette interview audio conduite par Libé et ce bel entretien accordé aux Inrocks.

Pour un long développement, lire ce passionnant document qui démonte point par point la politique et la propagande économiques du gouvernement. Les extraits suivants, mis en forme par mes doigts spongieux, s'avèrent édifiants : ceci est une lecture incontournable, amis aquatiques.


o "Le carcan des 35h" est responsable de la stagnation du pouvoir d'achat ? FAUX.
La baisse des salaires dans le PIB a commencé au début des années 1980. Comment expliquer qu’une loi votée en 1998 ait provoqué des effets si puissants 15 ans avant d’être votée ?

Qui plus est, en lisant le rapport du Fonds Monétaire International d’avril 2007, on constate que le mouvement est le même dans toute l’Europe et au Japon : "Au cours des deux dernières décennies, il y a eu un déclin continu de la part du revenu qui va au travail. La baisse est très massive et atteint 10 % en Europe et au Japon».

Et, aux États-Unis, l’évolution n’est guère plus brillante : "Depuis 2001, les bénéfices des entreprises ont augmenté de 40 % tandis que les salaires n’ont augmenté de 0,3 %. La part des salaires dans le revenu national atteint son plus bas niveau depuis 1929."

o Les 35h sont un échec complet ? FAUX.
Les 35 heures ne sont pas l’abomination des abominations que décrit le Medef. C’est vrai que, à l’hôpital, elles ont compliqué l’organisation des services car on n’avait pas ouvert assez tôt les écoles d’infirmières (ce qui reste assez incompréhensible). C’est vrai qu’elles ont coûté cher à l’Etat, mais c’est parce qu’on a donné des milliards d’exonérations sans contrepartie de créations d’emplois, ce que le Medef ne dit pas (avec la Loi de Robien comme avec la première loi sur les 35 heures, l’entreprise n’avait pas d’exonération si elle ne créait pas un minimum d’emplois. Ce qui semblait assez logique : s’il n’y a pas d’embauche, il n’y a aucune dépense supplémentaire. Pourquoi donner une exonération ? Hélas, avec la deuxième loi sur les 35 heures, on a donné 70 milliards de francs d’exonération mais on ne demandait aux entreprises aucune contrepartie en emplois !).

Mais, selon l’Insee, les 35 heures ont créé quand même presque 350.000 emplois.

o La semaine de 4 jours, un non-sens économique ? FAUX.
Il faut aller plus loin, avec une autre méthode. Il faut ouvrir, à nouveau, le débat sur la semaine de 4 jours à la carte.

Les 4 jours, ça marche déjà dans 400 entreprises !
La semaine de 4 jours est déjà une réalité dans plus de 400 entreprises : Fleury-Michon, Mamie-Nova (Coop Even) ou Monique Ranou, mais aussi des centaines de PME inconnues : une auto-école à Rouen, un fabricant de logiciels à Chambéry, un charpentier près de Bordeaux, une coopérative d'insémination porcine à Pau, un imprimeur dans le Nord, une concession Peugeot dans le Var, un libraire, un chauffagiste et une agence de pub à Paris…

1 600 000 emplois
À partir de l’effet sur l’emploi observé chez ces 400 pionniers (de taille et de métier très différents), une étude du ministère du Travail estimait en 1997 qu’un mouvement général vers les 4 jours créerait 1 600 000 emplois en CDI (sans parler des métiers émergents autour du temps libre et de l’impact sur la croissance qu’aurait le surcroît de consommation de 1 600 000 familles.)

Quel financement ?
Pour augmenter l’effet sur l’emploi et pour limiter la pression mise sur les salariés, il faut absolument que les exonérations (exonérations des cotisations Unedic pour l’essentiel) soient conditionnées à des créations d’emplois.

o L'allongement de la durée de cotisation va résoudre le problème des retraites ? FAUX.
> Aujourd’hui, c’est en moyenne à 61 ans que les salariés soldent leur retraite.
> À 61 ans, moins de 30 % des salariés ont encore un emploi.
> Quand Nicolas Sarkozy et François Fillon, sans avoir rien fait pour faire reculer le chômage des plus de 60 ans, exigent une année de cotisation supplémentaire, ils savent très bien que pour plus de 70 % des salariés il manquera une année de cotisation, soit 4 trimestres.
> Pour une majorité de salariés, cela signifie une décote de 10 % sur la pension de retraite !

Aujourd'hui, quand un salarié solde sa retraite, il est au chômage depuis trois ans en moyenne. Rendre obligatoire une année de cotisations supplémentaire sans avoir fait radicalement reculer le chômage des plus de 60 ans ne sert à rien. En prétendant "sauver les retraites", avec des arguments pleins de bon-sens ("l’espérance de vie a augmenté, donc il faut cotiser plus longtemps"), on prépare en réalité une baisse généralisée du niveau des retraites de la Sécurité sociale.

C'est Guillaume Sarkozy (le frère du président), directeur général d’un groupe d’assurance-santé / assurance-retraite, qui va se frotter les mains :
La réforme Fillon va amener une baisse assez nette des retraites : entre 5 et 20 % de perte pour ceux qui auront des carrières complètes et nettement plus pour tous ceux et celles à qui il manquera quelques trimestres de cotisation car ils ne pourront pas cotiser 41 ans… Mais Guillaume Sarkozy propose à ceux qui en ont les moyens de prendre une assurance complémentaire sur laquelle il espère que sa nouvelle entreprise d’assurance obtiendra une "rentabilité raisonnable".

o La réforme des indemnisations chômage envisagée par Sarkozy va éviter les "abus" sans toucher les gens "réglos" ? FAUX.
Au bout de 6 mois, le salarié au chômage peut être obligé d’accepter une perte de 20 % de revenu. Et, au bout de 1 an, il peut être forcé d’accepter une perte de 40 %... Et si, quelques mois plus tard, il est à nouveau licencié ? Il perdra encore 20 % ou 40 % ?

o Les Etats-Unis, dont Sarkozy vante le plein-emploi, sont un modèle à suivre ? FAUX.
Si l’on en croit les chiffres donnés par la Maison-Blanche, les États-Unis sont très loin du plein emploi. Il y a tellement de petits boulots que la durée moyenne du travail est tombée à 33,7 heures.

Aux Etats-Unis, seuls les 5 % les plus riches ont vu leurs revenus augmenter sur les cinq dernières années. Les autres 95 % ont vu leur revenu stagner ou franchement décliner. Et une étude publiée par Factset en juin 2008 montre que, au sein de ces 5 %, ce sont les 1 % les plus riches (ceux qui ont des milliers d’actions et reçoivent d’énormes dividendes) qui ontaccaparé 75 % de la richesse nouvelle créée entre 2002 et 2006.

Et ne parlons pas de la Grande-Bretagne...
La durée moyenne du travail (sans compter les chômeurs et les 2 millions de "handicapés" dispensés de recherche d’emploi) n’y est plus, en janvier 2008, que de 31,9 heures par semaine.

Evidemment, cette durée moyenne du travail étonnamment basse n'a pas été voulue...
C’est le marché, le Marché seul, dans sa grande sagesse, qui a réparti le travail entre, d’un côté, ceux qui ont encore un bon job, à 40 heures par semaine, et, de l’autre côté, des millions d’hommes et de femmes qui n’ont que de petits emplois avec des petits revenus.

o Mais alors, si la situation des ménages est si catastrophique aux Etats-Unis, comment la consommation et la croissance peuvent-elles augmenter ?
La réponse est simple. Simple mais catastrophique : c’est uniquement en poussant la majorité des salariés et des chômeurs à s’endetter et à se surendetter que le libéralisme peut assurer en même temps des bénéfices colossaux à une infime minorité et une consommation élevée du plus grand nombre. Pour garantir aux actionnaires des bénéfices colossaux tout en assurant un haut niveau de consommation à l’ensemble de la population, le néolibéralisme a structurellement besoin d’un endettement croissant.

On en arrive à la vaste blague de la limitation de la dette publique, imposée par l'Europe et perpétuellement agitée comme excuse par les hommes politiques de tous bords pour justifier les pires réformes...
Quand la dette publique de la France atteint 64 % de son PIB ou quand la dette publique japonaise dépasse les 165 % du PIB (!), il n’y a pas de quoi pavoiser. Mais personne ne pense que l’État japonais ou l’État français va tomber en faillite et sera incapable d’honorer sa dette. Il n’y a pas de risque de cassure ou d’effondrement. En revanche, quand des millions de familles sont surendettées, quand en quelques semaines des millions de familles sont expulsées de leur logement et qu’une majorité de citoyens prend conscience qu’il faut absolument faire des économies pour rembourser les dettes accumulées, l’économie peut atterrir très brutalement !
Les libéraux, depuis 20 ans, ont réussi à focaliser le débat sur la dette publique sans jamais parler de la dette privée (cf les critères de Maastricht). Sans doute, à court terme, la dette privée est-elle très rentable pour les banques qui poussent les familles à s’endetter (et qui conseillent certains politiques), mais on va constater bientôt que l’accumulation de dette privée peut provoquer des catastrophes en série.

o La France n'est pas compétitive ? FAUX.
Nous avons une productivité très forte. Les Anglais ou les Japonais (qui ne sont pourtant pas des imbéciles) ont une productivité nettement plus faible que la nôtre.

« J’ai fait un calcul rarement effectué, explique Jacques Marseille, professeur à la Sorbonne. J’ai divisé le PIB français par la productivité d’un travailleur britannique ou japonais. Avec leur niveau de productivité, qui est largement inférieur au nôtre, il nous faudrait 5 millions de travailleurs en plus pour produire la même chose. Autant dire que le chômage ne serait plus un problème en France… » (Le Figaro -!-, 2 février 2004)

o En résumé :
> des millions de chômeurs, des millions de précaires… Notre pays est englué et s’enfonce dans une crise sociale d’une extrême gravité que les chiffres officiels sous-estiment totalement ;

> les prétendus "blocages de la société française" n’expliquent que très partiellement l’étendue des dégâts : la précarité est la même, à peu de chose près, dans presque tous les pays occidentaux ;

> partout, le chômage et la précarité affaiblissent la capacité de négociation des salariés qui ont un emploi, ce qui provoque une forte baisse de la part des salaires dans le PIB. Cette baisse des salaires devrait ralentir fortement la croissance ;

> la croissance que connaissent malgré tout l’ensemble des pays occidentaux depuis le début de la décennie est uniquement due à une hausse très forte de la dette des ménages ;

> alors que tous nos dirigeants comptent sur une forte croissance pour faire reculer le chômage, aucun économiste sérieux ne pense plus que la croissance va accélérer. Au contraire ! Les déséquilibres des capitalismes américain et chinois font qu’une crise économique majeure peut survenir d’une année à l’autre.

o Alors, que faire ? Entre autres, le texte suggère de :
- convoquer un nouveau Bretton-Woods : organiser sans tarder avec l’ensemble des socialistes européens (ceux qui sont au pouvoir et ceux qui n’y sont pas) une grande Conférence internationale pour définir de nouvelles règles du jeu en matière monétaire et financière

- négocier un véritable Traité de l’Europe sociale comprenant des critères de convergence sociaux aussi précis et contraignants que l’étaient les critères financiers du Traité de Maastricht

- créer un impôt européen sur les bénéfices : il n'y a pas d'impôt européen, ce qui favorise grandement le dumping entre états. Une étude du cabinet KPMG publiée dans Le Monde du 12 avril 2006 montre que le taux moyen d’impôt sur les bénéfices des entreprises n’est plus que de 25 % en moyenne en Europe contre 40 % aux Etats-Unis.

- indexer les salaires

- utiliser une partie du Fonds de Réserve des Retraites pour construire massivement de nouveaux logements en s’inspirant de ce qu’on fait les partenaires sociaux au Pays-Bas

- instaurer une nouvelle réduction du temps de travail
Alors là je vous sens convaincus, vous avez les neurones chauds, vous avez envie de fighter, vous avez la win dans la peau, vous êtes gonflés d'énergie pour agir. Hum... Ben pour l'instant, le champ d'action est limité (en dehors, bien sûr, de l'engagement concret auprès des SDF, des pauvres, des ouvriers, des sans-papiers, des précaires...).

Pour l'heure, le plus simple est de signer cette pétition qui invite les dirigeants du PS à se mettre au travail. Trop bien le militantisme de l'an 2000, un clic et youplà... Bon, c'est franchement pas la panacée, surtout quand, comme moi, on ne croit plus depuis longtemps dans la gauche parlementaire, mais c'est déjà un tout pitit grain de sable dans l'implacable mécanique droitière du PS et du paysage politique actuels.
Vu les statuts du PS, si cette pétition recueille 5.000 signatures de militants PS (ou 50.000 signatures de citoyens non-PS), la direction sera obligée de nous écouter.

Que nous soyons militants PS ou non, vu l'importance du PS dans le paysage politique français, nous savons qu'il n'y aura pas de sursaut de l'ensemble de la gauche ni de réelle perspective de progrès social, si le PS ne change pas.
Et, si ce n'est déjà fait, signez aussi cette pétition contre la finance déréglementée, qui partage certains des objectifs de cette "Nouvelle gauche".

Dans tous les cas, on aura appris des trucs. Et l'information est un préalable indispensable à l'action.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Huummm, ça fleure bon la polémique tout ça... Je suis, tu t'en doutes, bien évidemment d'accord sur le fond. Par contre, je ne pense pas qu'il faille rien attendre du PS, et ce depuis bien longtemps... Déjà en 36, le Front Populaire cédait sur les congés payés suite à des grèves d'une ampleur incroyable parmi les ouvriers... Alors c'est pas demain la veille que la semaine de quatre jours tombera comme par magie dans le programme d'un candidat poids lourd du PS... N'oublions pas non plus que le premier geste de Mitterand président fut d'envoyer les CRS dans les usines (avec accord des syndicats, bien sûr). D'ailleurs aujourd'hui, Sarkozy fait passer la pilule de sa politique grâce aux vocabulaire du PS... Non, définitivement, prenons nous en mains...

Blog l'éponge a dit…

Ha mais je suis tout à fait d'accord avec toi, c'est pour ça que je disais ne plus croire depuis longtemps dans la gauche parlementaire... C'est juste un grain de sable. Mais les infos restent intéressantes ^^

M'enfin, toute pétition tendant à renforcer l'aile gauche du PS me semble bonne à prendre, même si je suis loiiiiiin de porter ce parti dans mon coeur...