mercredi 9 juin 2010

VOYAGE : LE JAPON



Irriguée par l'étrange morceau Blue Orb, de Kahimi Karie (extrait de la bande-originale du jeu We Love Katamari), la vidéo ci-dessus, façonnée par votre spongieux serviteur, résume trois semaines de séjour au pays du soleil levant, en avril 2010. A regarder impérativement en 720p et en plein écran.

Même si ce clip inclut des images de Tokyo (ses immeubles, ses cerisiers en fleurs), c'est surtout un Japon moins connu que j'ai voulu montrer : l'incroyable zootrope en relief du Musée Ghibli, les îles tropicales du sud-ouest (en l'occurence Ishigaki et Iriomote), l'île volcanique d'O-Shima (qui m'a rappelé mon voyage en Islande), la grande cascade de Nikko (ici enneigée en plein mois d'avril !), le majestueux bouddha de Kamakura (treize mètres de hauteur !)... Des dizaines de photos complètent cet aperçu accéléré.

mercredi 28 avril 2010

JEU VIDEO : LE GUIDE "METIERS ET FORMATIONS DU JEU VIDEO"

Après des mois de travail acharné, le guide "Métiers et formations du jeu vidéo", dont je suis l'auteur, est disponible en kiosques, sur notre site et, bientôt, sur celui de la Fnac.

A destination des lycéens, étudiants, jeunes diplômés et de tous les passionnés qui rêvent de faire carrière dans le jeu vidéo, ce guide de 192 pages dévoile les arcanes des principales professions, recense les formations françaises, prodigue de précieux conseils et révèle les secrets de créateurs célèbres comme Shigeru Miyamoto (Super Mario Bros.), David Cage (Heavy Rain), Michel Ancel (Beyond Good & Evil), David Perry (Earthworm Jim)...

Des documents de conception inédits complètent l'ouvrage : un storyboard d'une scène complète de Beyond Good & Evil, des croquis préparatoires pour King Kong ainsi que le document de game design de The Lapins crétins : la grosse aventure.

En exclusivité, voici un extrait de l'interview de Warren Spector (producteur d'Ultima Underworld, Thief, Deus Ex...) incluse dans le guide :
Que peuvent apprendre les universitaires à l’industrie du jeu vidéo ?
En approchant le jeu vidéo de manière rigoureuse et analytique, ils peuvent nous aider sur au moins deux points. D’abord, créer un langage homogène pour parler des jeux et de leur processus de création. Les développeurs n’utilisent pas les mêmes mots pour décrire des mécanismes de jeu ou des métiers identiques. Le verbe « to frob » (manipuler, ajuster) signifie énormément pour tous les anciens du studio Looking Glass (dont je faisais partie), alors qu’il ne veut rien dire pour les gens du studio Valve Software. Chez nous, « frob » signifiait « diriger son regard avec la souris vers un objet pour le sélectionner, puis l’utiliser ou le prendre ».

Autre exemple, le poste de game designer est défini de manière si différente selon les sociétés que sa mention sur une carte de visite n’a aucun sens. Alors qu’un diplômé de cinéma qui parle de key light (lumière principale), fill light (éclairage secondaire) ou « montage alterné » peut se faire comprendre d’un réalisateur n’importe où dans le monde. Nous avons besoin de cette cohérence-là dans notre terminologie, nos outils et nos techniques.

Ensuite, les universitaires peuvent nous aider en formant des étudiants qui appréhenderont les jeux vidéo pas seulement en tant que fans ou joueurs, mais en tant qu’analystes. Les étudiants en cinéma à l’université ne font pas toujours des films par la suite, mais après avoir été en contact avec les outils de réalisation, l’histoire ou la théorie du médium, ils quittent l’université avec des exigences différentes vis-à-vis du cinéma.

De la même manière, les diplômés en jeu vidéo sortiront de l’université, j’espère, avec de nouvelles façons de penser le jeu vidéo, une autre appréciation du potentiel du médium et ils demanderont davantage aux studios de développement et aux éditeurs. Les universités peuvent changer le public et, par là, changer le business. Dépêchons-nous !

samedi 20 mars 2010

JEU VIDEO : INTO THE NIGHT WITH JASON ROHRER AND CHRIS CRAWFORD



Disons-le tout net : visible ci-dessus dans son intégralité, Into the Night with Jason Rohrer and Chris Crawford est, de très loin, le meilleur documentaire consacré au jeu vidéo jamais diffusé en France. Remarquablement bien réalisées, montées et rythmées, ces 51 minutes filent à toute allure. Deux génies méconnus du jeu vidéo y parcourent San Francisco en abordant des thèmes avant-gardistes - l'utilisation métaphorique de l’espace et des mécanismes de jeu, par exemple.

Pourtant, du début à la fin, le propos s’avère limpide, accessible à tous les publics, souvent lucide (« Quand je travaillais pour Atari, j'ai compris que les jeux avaient un très gros défaut : ils mettent en scène des choses et non des gens », lâche le grand Chris Crawford) et même émouvant. Difficile de rester de marbre quand Crawford expose les enjeux de Storytron. Lancé en 2009 après 15 ans de gestation (!!!), ce projet monumental est censé concrétiser le but éternel de Crawford : porter la narration interactive à un haut niveau de sophistication.
« J'ai investi toute ma vie dans ce projet. On a hypothéqué la ferme pour ça. Si c'est un échec commercial, nous sommes ruinés, ma femme et moi. Ce n'est pas quelque chose que j'ai le droit de rater. Si c'est un échec, alors toute ma vie est un échec. Et ça me fait très peur »
Mais qui sont, au juste, Chris Crawford et Jason Rohrer ?

Non content d’être l’un des meilleurs théoriciens du jeu vidéo (il est l’auteur de The Art of Computer Game Design, paru en 1984, lisible gratuitement sur le Net et encore cité en référence aujourd’hui), Chris Crawford a fondé la Game Developers Conference en 1988 (LE rendez-vous des professionnels du média, qui y dévoilent leurs secrets dans de passionnantes interventions) et créé des jeux importants, notamment Balance of Power (l’une des seules simulations politiques de l’histoire du média).

De son côté, Jason Rohrer est l’auteur, entre autres, du très beau Passage. Ce jeu mélancolique, qui symbolise le déroulement d’une existence en cinq minutes, est le représentant le plus connu du mouvement « art-game », un genre récent de jeux indépendants ayant pour but exclusif de communiquer une idée ou une émotion précise. Rares sont les jeux vidéo qui expriment un propos délibéré via leurs règles et leur structure. Les micro chefs-d’œuvre de Rohrer en font partie, indéniablement.


JEU VIDEO : CALL OF DUTY : MODERN WARFARE 2, UN SIMULATEUR DE TERRORISME ?



Dans la superproduction la plus vendue de 2009, vous incarnez un agent de la CIA le temps d’une mission mémorable : infiltré dans une organisation terroriste russe, vous vous joignez au massacre de centaines de civils dans un aéroport moscovite ! Analyse d’une scène très controversée, déjà entrée dans les annales (à lire de préférence une fois le jeu terminé).

Alors que vous montez dans une camionnette pour fuir l’aéroport, vous êtes abattu d’une balle dans la tête par Makarov, le chef des terroristes, qui a deviné votre véritable identité. En trouvant votre corps sur les lieux, les Russes croient à une attaque soutenue par les Américains et lancent une gigantesque invasion surprise des Etats-Unis… « Nous avons fait de notre mieux pour que cette scène ne soit pas gratuite, affirme le scénariste Jesse Stern, interrogé par le site américain GamePro.com. Elle a un double effet : rendre le personnage de Makarov absolument détestable, et mettre en branle le conflit qui constitue le centre du jeu ».

MISE A L'EPREUVE

Pourtant, manette en main, la scène ne fonctionne pas vraiment. Seulement introduite par quelques phrases floues prononcées par votre chef (« Ca vous coûtera une part de vous. Ce qui n’est rien en comparaison de ce que vous sauverez »), elle vous propulse directement au cœur du massacre, sans prendre le temps d’expliquer et de développer les enjeux propres à la situation. En tant qu’agent infiltré, vous devez soi-disant « gagner la confiance de Makarov », mais le jeu ne vous met jamais à l’épreuve. Tension dramatique : zéro. Par ailleurs, la facture de la scène montre des coutures grossières (les civils se ressemblent trop : uniquement des adultes blancs dont les visages, coiffures et vêtements se répètent) et le jeu ralentit artificiellement vos déplacements pour vous obliger à rester constamment aux côtés des terroristes. Difficile, dans ces conditions, de ne pas se sentir détaché de ce qui se joue sous nos yeux.

L'APPEL DU DEVOIR

La suite du jeu change le sens de la scène. Dans l’une des dernières missions, votre supérieur, le Général Shepherd, vous trahit et tue un autre personnage que vous dirigez. Le scénario sous-entend ainsi que Shepherd a orchestré toute l’opération, louant les services de Makarov et déclenchant l’invasion russe afin que l’administration américaine, dépassée par les événements, lui laisse carte blanche pour mener toutes les guerres qu’il désire. Dans Call of Duty : Modern Warfare 2, l’ennemi est donc, cette fois, intérieur. Et c’est le joueur docile, répondant au « call of duty », à l’ « appel du devoir », qui participe au désastre.

Problème : la narration s’avère si confuse qu’elle noie le propos qui pourrait émerger. « Modern Warfare 2 affirme peut-être que l’obéissance aveugle aux ordres conduit à la destruction du monde, écrit le journaliste anglais Kieron Gillen sur le site RockPaperShotgun.com. Je pourrais en être convaincu si les créateurs du jeu avaient clairement exprimé leur message. En l’état, il s’agit juste d’un fatras de sons et de fureur qui ne veut rien dire ».

UNE NOUVELLE GENERATION DE JEUX DE GUERRE ?

Bien sûr, « ce n’est qu’un jeu ». Et la série Call of Duty, peu réputée pour sa subtilité, n’allait évidemment pas se muer d’un coup en pamphlet politique. Toutefois, on peut déplorer qu’une superproduction comme celle-là ne profite pas de sa délirante popularité (neuf millions d’exemplaires écoulés en une semaine, soit deux fois plus que les ventes totales du dernier album de U2, sorti en février 2009) pour aborder des thèmes plus originaux et provocateurs, à l'instar des meilleurs films et séries télévisées américains.

Jusqu’à présent, les jeux de guerre ont presque systématiquement occulté les causes et le déroulement réels des conflits qu’ils mettent en scène, et édulcoré la violence des affrontements. Ce qui exclut naturellement la représentation de civils. En brisant ce tabou, Modern Warfare 2 - pour maladroit qu’il soit - ouvre possiblement la voie à une nouvelle génération de jeux de guerre, plus proches de la vision documentaire et sans concession qu’incarne la série Generation Kill, qui raconte les 40 premiers jours de la guerre en Irak. Il serait temps que le jeu de guerre utilise enfin son influence commerciale et sa puissance d'immersion de manière intelligente. Sinon, il est condamné à l’insignifiance.

Article originellement destiné à être publié dans le n°61 de Chronic'art (décembre 2009), mais coupé à la dernière minute.

dimanche 7 février 2010

IDEES : LA DRAMATURGIE, D’YVES LAVANDIER

La dramaturgie est sorti en 1994. Depuis, le livre a connu plusieurs rééditions, la dernière datant de 2008 (épuisée, elle est encore disponible sur le site de l’éditeur). Ecrit par Yves Lavandier, auteur dramatique, cinéaste et script doctor, il s’agit d’un ouvrage incontournable pour les aspirants dramaturges et scénaristes, une référence que des auteurs aussi différents que Jacques Audiard (Un prophète) et Francis Veber (Le Dîner de cons) tiennent en haute estime.

Après avoir défini la dramaturgie (« l’imitation et la représentation d’une action humaine », faite « pour être vue et/ou entendue »), Lavandier en expose les principes de base : « Un personnage cherche à atteindre un objectif et rencontre des obstacles, ce qui génère du conflit et de l’émotion, pour le personnage, mais aussi pour le spectateur » (sachant que le « trio fondateur » protagoniste - objectif - obstacle gagne en efficacité si on lui ajoute des enjeux – « ce qu’un individu peut gagner ou perdre dans une action »).

Il détaille ensuite les règles de la dramaturgie : mécanismes fondamentaux (conflit et émotion, protagoniste – objectif, obstacles, caractérisation), structurels (structure, unité, préparation, langage et créativité, ironie dramatique, développement) et locaux (exposition, activité, dialogue, effet). Il propose enfin une méthodologie d’écriture.

Le livre, épais de quelque 600 pages (voir la table des matières), s’appuie sur 1400 exemples issus de tout le répertoire (qu’il s’agisse de films, de pièces de théâtre, d’opéras, de séries ou de bandes dessinées), deux d’entre eux faisant l’objet d’une analyse complète (L’école des femmes et La mort aux trousses). Lavandier va toutefois plus loin…

POURQUOI NE POUVONS-NOUS PAS VIVRE SANS HISTOIRES ?

Et pourquoi la dramaturgie nous séduit-elle aussi puissamment ? Des dizaines de livres décrivent les ressorts de la dramaturgie, mais peu répondent à ces questions essentielles. Le livre d’Yves Lavandier s’y attaque frontalement, d’abord en affirmant que
« Toutes les œuvres considérées comme majeures sont régies par des mécanismes constants. Ce n’est pas étonnant. La dramaturgie imite la vie des êtres humains, or cette vie est fondamentalement la même depuis des millénaires, depuis même les rites primitifs. En effet, depuis ce temps, l’être humain :
- naît avec un cerveau assez puissant pour prendre conscience de lui-même
- naît en état d’impotence et de dépendance
- vit une succession impressionnante de conflits et de sentiments négatifs, les deux principaux étant l’anxiété et la frustration, qui sont précisément liés à la conscience de notre impotence
- vit une succession de conflits régie par des rapports de cause à effet, dont le plus important est l’enchaînement vie - naissance - mort
- reçoit la dramaturgie dans les mêmes conditions de base
Les mécanismes de la dramaturgie reposent sur ces constantes qui, sauf exception (comme les accidents génétiques), concernent les cent milliards d’êtres humains qu’on estime avoir peuplé cette Terre depuis qu’elle existe ».
De ces « conditions de base », découlent trois besoins auxquels la dramaturgie répond :

BESOIN D'EMOTION
« La dramaturgie, comme le conte de fée ou le jeu symbolique, permet à l’être humain d’attester ses émotions [notamment l’anxiété et la frustration, donc], de les explorer, de les apprivoiser et, plaisir suprême, de les maîtriser »
BESOIN DE SENS
« Plus qu’à un plaisir, il est vraisemblable que le principe de causalité corresponde, chez le spectateur, à une nécessité fondamentale. L’être humain est un animal religieux, au sens étymologique du terme, c’est-à-dire qu’il a besoin de sens, d’ordre, de lien (1). Nul doute que ce livre même réponde à ce besoin d’ordre. Pour certains, c’est la religion qui satisfait ce besoin. Claudel déclarait que, pour l’homme de foi, la vie n’est pas une série incohérente de gestes vagues et inachevés, mais un drame précis qui comporte un dénouement et un sens. D’autres, qui n’arrivent pas à trouver à la vie un sens métaphysique, s’adressent à la science et constatent que la vie est fortement régie par la causalité. On voit ce que le drama peut avoir de fondamentalement religieux, que ce soit pour le croyant, l’agnostique et l’athée ».
BESOIN DE DISTRACTION
« Par définition, la distraction consiste à détourner l’attention d’un individu, à lui faire oublier ce qui le préoccupe. En dramaturgie, la distraction est produite par l’émotion suscitée par l’œuvre, que cette émotion soit à son tour produite par le conflit [statique – vécu passivement – ou dynamique – vécu activement - ; interne – psychologique – ou externe] ou le spectaculaire [« ce qui est original, au sens de rare, et qui, pour cette raison, attire, distrait, et même parfois fascine ou hypnotise le spectateur »]. Toutefois, plus il y a de conflit et plus il y a distraction (2). C’est un phénomène important et recherché. La distraction permet au sujet d’être ailleurs qu’en lui-même, ce qui peut être très reposant.
Dans ce que Eric Berne appelait le scénario [de vie ], l’être humain joue un petit nombre de rôles, toujours les mêmes. Il y a des scénarios de perdant, des scénarios de non gagnant et des scénarios de gagnant, la dernière catégorie représentant malheureusement une minorité de cas. Un être humain qui va au théâtre ou au cinéma a la possibilité, pendant deux heures, de se mettre à la place d’un personnage plus gagnant que lui. On voit ce que ce type de parenthèse, dans la vie d’un spectateur, peut avoir d’agréable. C’est ce qui explique le succès des héros tenaces et astucieux qui gagnent à la fin (3). On peut même penser que plus un être humain a un scénario de perdant - ou traverse une période de perdant - et plus il a besoin de s’identifier à un protagoniste gagnant ».
Certes, admet Lavandier,

« La dramaturgie n’est pas la seule activité humaine à répondre aux besoins de sens, d’émotion et de distraction. Les jeux (de rôle, de société, de faire semblant, etc.) servent essentiellement à cela (4). Le sport également. Un match de football peut distraire et susciter des émotions, à défaut d’être rempli de sens »
Mais
« La dramaturgie répond, ou du moins peut répondre, à ces besoins avec une intensité inégalable. C’est probablement ce qui la rend aussi nécessaire »
Ainsi, tout au long de son livre, Lavandier ne se contente pas d’établir des règles dramaturgiques : loin de tout formalisme, il explique l’importance de ces règles pour l’être humain (en se référant régulièrement à la psychanalyse, à l’analyse transactionnelle, à la science, à des citations d’artistes...), tout en énonçant de multiples nuances et exceptions.

IL NE PEUT Y AVOIR RENAISSANCE QUE S'IL Y A EU MORT

Par exemple, Lavandier analyse l’impact de ce qu’il appelle la « structure modifiée ». La structure classique d’une pièce ou d’un film se présente ainsi :

- le premier acte « plante le décor, présente la majeure partie des personnages, décrit les événements qui vont amener le protagoniste à vouloir quelque chose, à définir un objectif ». Il contient l’incident déclencheur, « l’événement qui brise la routine de vie du futur protagoniste, crée chez lui un déséquilibre et le détermine à se définir un objectif »

- le deuxième acte « contient les tentatives du protagoniste pour atteindre un objectif (c’est ce qu’on appelle l’action) ». Il culmine avec le climax, « l’obstacle le plus fort » qui se dresse devant le protagoniste

- le troisième acte « décrit les conséquences de l’action »

La structure modifiée, elle, « introduit un coup de théâtre au début du troisième acte de façon à relancer l’action ». Le troisième acte modifié est alors « construit comme le tout dont il fait partie : il possède son propre incident déclencheur, son propre climax et son propre troisième acte ». Quel est l’intérêt de cette structure modifiée, courante au cinéma (par exemple chez James Cameron, qui a l’habitude de conclure ses films sur… trois climax !) ?
« La structure modifiée propose un rebondissement important et souvent gratifiant. Mais, dans le cas où la première réponse dramatique [réponse à la question : le protagoniste atteindra-t-il son objectif ?] est non et la deuxième oui, il est possible que la structure modifiée ait une signification bien plus profonde. Car, en général, elle consiste à faire passer le spectateur de la déception au bonheur tout en rendant ce passage logique. D’une certaine façon, la structure modifiée de type [1. non, 2. oui] nous rappelle qu’à quelque chose malheur peut être bon, que d’un moment de détresse peut surgir le plaisir ou la réussite. En d’autres termes, il ne peut y avoir renaissance que s’il y a eu mort (au sens figuré : échec, dépression, renoncement…). Or, il n’y a pas plus vivant que la renaissance. La structure modifiée de type [1. non, 2. oui] dénoterait une pensée positive. Ce n’est peut-être pas un hasard si Frank Capra – que François Truffaut surnommait « le guérisseur » - l’a si souvent utilisée (dans La vie est belle par exemple) ».
Ailleurs, Lavandier consacre un chapitre entier à la comédie, genre qu’il considère comme « le plus riche et le plus juste ». « Atteinte à la vanité humaine », « anti-élitiste », symbolisée par le clown (« l’être humain le plus lucide », qui « voit clair dans le jeu de tout le monde » et qui « met au jour les failles des gens de pouvoir » (5)), la comédie se définit par le recul qu’elle prend sur les choses. Elle constitue « une façon de ne pas prendre notre vie trop au sérieux, de ne pas nous apitoyer complaisamment sur notre sort, de reconnaître nos limitations et de nous aider à les accepter ».

L'EXPERIENCE ET L'EMOTION TRANSFORMENT UN ETRE HUMAIN PLUS SUREMENT QU'UN DISCOURS

Lavandier incite surtout les auteurs à réfléchir à des questions élémentaires (pourquoi ai-je envie de raconter cette histoire ? Quel est mon thème, mon intention ?) en évitant que « l’histoire se réduise à l’explication d’une idée, à la démonstration d’une thèse. Mais, si l’on n’oublie pas de créer l’émotion et l’intérêt chez le spectateur (protagoniste - objectif - obstacles, par exemple), on a peu de chances de tomber dans le didactisme ».

Et c’est l’émotion, bien sûr, qui permet à la dramaturgie d’influencer le spectateur.
« L’expérience et, en particulier, l’émotion transforment un être humain plus sûrement qu’un discours. Une « prise de conscience » affective est beaucoup plus efficace qu’une prise de conscience rationnelle. Piaget a démontré que c’est l’expérience concrète qui détermine un changement dans notre façon de percevoir et de réagir à la réalité et qui nous amène à modifier notre pensée et non l’inverse. Or le spectateur d’une œuvre dramatique vit une expérience affective en s’identifiant au protagoniste et en vivant une partie de ses conflits. Elle n’a pas la force d’une expérience réelle mais il est probable qu’elle laisse des traces »
A lire :
- d’autres extraits du livre
- un passionnant entretien avec l’auteur

(1) Et c’est pour cette raison que Signes est, comme nous l’avons écrit ailleurs, un grand film sur la foi et sur la puissance du cinéma : lors du dénouement, Mel Gibson (le spectateur) découvre que trois caractéristiques de ses proches (trois éléments du scénario), apparemment anodines, ne sont pas le fruit du hasard et servent un but (une logique narrative) jusqu’alors invisible. Le besoin de sens de Gibson (et celui du spectateur) est satisfait : il retrouve la foi (et le spectateur aussi… à condition de se laisser emporter par le dispositif de Shyamalan).

(2) Ce qui explique que le cinéma dit « moderne » ou « expérimental », qui s’intéresse peu au conflit et à la dramaturgie et lui préfère la contemplation, les personnages et narrations opaques, voire l’absence complète de scénario, n’ait jamais été populaire... tout en remportant l’adhésion des critiques avides d’œuvres élitistes et formalistes (une spécialité française).

(3) C’est pourquoi les films sans résolution (soit parce qu’ils se terminent en queue de poisson, soit parce que le protagoniste échoue) frustrent, attristent voire énervent la plupart des spectateurs. A ce titre, Memories of Murder ou Zodiac sont des oeuvres inconfortables…

(4) Notons, au passage, que cette phrase enrichit une vieille divagation spongieuse : Pourquoi joue-t-on ?

(5) Pas étonnant que les Guignols de l’info soient, aujourd’hui, la seule émission qui dérange Sarkozy. Comme l’affirme un journaliste politique dans un récent numéro de Technikart :
« Détrompez-vous, si le « Petit journal » gênait vraiment le gouvernement, il ne serait pas accrédité. Et puis, vous savez, leurs journalistes ont des discussions régulières avec Franck Louvrier, le conseiller en com du président qui joue un rôle essentiel dans sa peoplisation ». Un temps d’arrêt avant cette relance : « Non, ce qui gêne vraiment Sarkozy, ce sont les Guignols, dans la mesure où il ne sont pas journalistes et que, du coup, il n’a aucune prise sur eux »

ACTUALITE : LA LUTTE DES TRAVAILLEURS SANS-PAPIERS (3)



Ces derniers mois, les travailleurs sans-papiers et leurs soutiens ont multiplié les manifestations et les actions. Après les défilés du 14 novembre 2009, du 5 décembre 2009, du 24 décembre 2009 et du 9 janvier 2010 (voir la vidéo), ils ont occupé la direction des impôts de Paris centre le 12 janvier. Leur but : obtenir un rendez-vous avec le ministère de l'économie et des finances, à Bercy. Cette rencontre a finalement eu lieu le 4 février. Reçue par la direction générale des finances, une délégation de 14 personnes, dont une majorité de sans-papiers, a dénoncé les injustices dont ces derniers sont victimes : alors qu'ils paient tous des impôts sur le revenu ou sur la consommation (TVA), alors qu'une grande partie d'entre eux cotisent, l'Etat ne leur accorde aucun droit, voire les expulse. La vidéo spongieuse ci-dessus montre l'occupation du 12 janvier, la vidéo ci-dessous, la marche du 4 février.



Une manifestation nationale est prévue pour le 6 mars. Et le 27 février, une marche exigera la suppression du ministère Besson, dans le cadre de la semaine anti-coloniale. Ce n'est que le prélude à une lutte qui promet de s'attaquer, dans les années à venir, à l'ensemble des rapports Nord-Sud.

lundi 30 novembre 2009

ACTUALITE : LA FRANCE NE RESPECTE PAS LE DROIT D'ASILE (2)


Pour contrer la récente enquête de 18 pages menée par des associations, qui prouvait le non respect du droit d'asile par la France, Eric Besson a publié la semaine dernière un communiqué de presse. La réaction des associations n'a pas tardé : le lendemain, elles publiaient une réponse imparable, démontant un à un les arguments fallacieux de Besson. On attend la suite...

lundi 23 novembre 2009

ACTUALITE : LA FRANCE NE RESPECTE PAS LE DROIT D'ASILE


Depuis un an, plusieurs associations (ACAT, Amnesty International, CAAR, Cimade, Dom’Asile, GAS et Secours Catholique) enquêtent sur les pratiques préfectorales en Ile-de-France. Le résultat de leur travail, synthétisé dans ce communiqué et développé dans ce dossier de presse de 18 pages, est édifiant :
Entre le 12 et le 14 novembre 2009, le tribunal administratif de Versailles a ordonné à 10 reprises à la préfète des Yvelines de cesser de porter une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile de demandeurs d’asile empêchés d’accéder au guichet. Il lui a enjoint de les convoquer sans tarder.

A Versailles, seuls trois ou quatre demandeurs d’asile sont reçus chaque jour pour déposer leur demande au guichet de la préfecture. Pour ce faire, ils sont alors contraints de revenir plusieurs fois, de dormir dehors et de s’organiser afin d’espérer accéder au guichet "asile" de la préfecture. Le risque, pour les non-admis est, lors d'un contrôle policier, d'être considéré comme "sans-papiers" et donc susceptibles d'une mise en rétention pour éloignement.

C’est un exemple parmi d’autres des pratiques préfectorales illégales que le Groupe Inter Associatif Asile en Ile-de-France a observé de novembre 2008 à novembre 2009 dans sept services préfectoraux : Paris, Yvelines, Essonne, Hauts de Seine, Seine Saint Denis, Val de Marne et Val d’Oise, à travers un accompagnement concret des demandeurs d'asile en préfecture et un recueil d’informations.

Le constat est accablant. Le droit d’asile est entravé et les droits fondamentaux des demandeurs d’asile ne sont pas respectés. Ils ne sont pas ou mal informés de leurs droits et obligations. L’accès à la procédure d’asile elle-même est rendue très difficile. Des restrictions excessives sont portées au droit de séjourner en France durant l’examen de la demande d’asile. Toutes ces pratiques illégales ne font qu’accroître la précarité des demandeurs d’asile et les dissuadent de demander la protection de la France. L'accès à la procédure d'asile doit être simplifié avec pour seul objectif celui de protéger les demandeurs d’asile.
Alors que le gouvernement continue de stigmatiser les sans-papiers et lance un débat sur l'"identité nationale" pour d'évidentes raisons électoralistes, il est désormais prouvé que même le droit d'asile est bafoué en France. Une conférence de presse sur ce sujet aura lieu le mercredi 25 novembre 2009 à 10h30, dans les locaux d’Amnesty International, 76, bd de la Villette, 75019 Paris. Les associations à l'origine de cette enquête y "présenteront leurs recommandations". Elles ont déjà annoncé leur intention de saisir la justice.

mercredi 21 octobre 2009

ACTUALITE : LA LUTTE DES TRAVAILLEURS SANS-PAPIERS (2)



Alors que les actions des travailleurs sans papiers prennent de l'ampleur (3 000 grévistes dans une quarantaine d'entreprises aux dernières nouvelles), un rassemblement a été organisé vendredi 16 octobre devant le consulat d’Haïti à Paris. La vidéo spongieuse ci-dessus en résume les enjeux, tandis que ce texte détaille le bilan de la rencontre avec le ministre conseiller.

jeudi 15 octobre 2009

ACTUALITE : LA LUTTE DES TRAVAILLEURS SANS-PAPIERS



Depuis l'année dernière, la lutte pour la régularisation des travailleurs sans-papiers s'accélère. Elle semble avoir pris un tournant le samedi 10 octobre, avec une manifestation qui a réuni plus de 10.000 personnes - du jamais vu depuis 1997. Dans la foulée, le lundi 12 octobre, 1.300 travailleurs sans-papiers ont lancé un nouveau mouvement de grève dans 28 entreprises, organisé par la CGT. D'autres actions se préparent, qui seront annoncées, entre autres, sur le site de l'association Droits devant. La première d'entre elles a lieu dès demain, devant le consulat d'Haïti. En attendant, regardez donc la vidéo haute définition ci-dessus, signée l'Eponge. Elle montre des images du cortège de samedi, accompagnées de propos édifiants de sans-papiers qui témoignent de leur vie. A diffuser.

JEU VIDEO : LE GUIDE "200 JEUX VIDEO ESSENTIELS"

Enfin ! Après des mois de dur labeur, le guide « 200 jeux vidéo essentiels », dont je suis le rédacteur en chef, sort aujourd’hui en kiosques et sur notre site. Au programme, une ludothèque idéale constituée de jeux disponibles dans le commerce, sélectionnés par un comité de dix journalistes de la presse écrite, du Web, de la radio et de la télévision.

En bonus : l’histoire du jeu vidéo, un panorama des métiers de la création, des conseils pour choisir sa machine, des rétrospectives sur des sagas de légende, des portraits d’auteurs exceptionnels, les 10 meilleurs titres indépendants, les 10 plus grands jeux en ligne, les 10 hits les plus attendus de 2010, une préface de David Cage, des index par genre et par support ainsi qu’un lexique. En exclusivité, voici un extrait de l’article consacré à la série Metal Gear et à son créateur, Hideo Kojima :
Pendant son enfance, Hideo Kojima a voulu être cosmonaute, policier, détective, artiste, illustrateur, écrivain, réalisateur... Enthousiasmé par Super Mario Bros., il devient game designer. Il entre en 1986 chez Konami où il codirige Penguin Adventure. En 1987, il conçoit Metal Gear. En 1988, il rend hommage au cinéma –son autre passion - dans The Snatcher, un jeu d’aventure cyberpunk fortement influencé par Terminator et Blade Runner. Après Metal Gear 2, il lance Policenauts en 1994, un jeu d’aventure mêlant science-fiction et film noir. Il séduit ensuite un public massif et mondial avec les quatre Metal Gear Solid. Marqué par les récits de son père qui a connu les bombardements sur Tokyo pendant la Seconde Guerre mondiale, Kojima injecte dans cette série son obsession du nucléaire et son pacifisme. Il dirige aujourd'hui Kojima Productions, une filiale de Konami fondée en 2005.

VOYAGE : L'ISLANDE



L'Islande… Jusqu'à présent, le voyage de ma vie. Extraterrestre. Hors de proportion. FOU. C'est le début des temps, ou la fin des temps, ou l'Enfer, ou la Lune, mais ce n'est plus tout à fait notre planète. D'ailleurs, si vous voulez apprendre comment une monstrueuse éruption volcanique a produit une sorte d’apocalypse mondiale il y a deux siècles et contribué à déclencher la Révolution française, lisez donc ce compte-rendu en images, souvent spectaculaires. Pour le reste, la vidéo ci-dessus concentre en cinq minutes les moments forts du voyage. A regarder de préférence en haute résolution et en plein écran.

Choc sensoriel, donc, mais qui n'est pas sans donner matière à réfléchir. En traversant ces paysages à la beauté, à la diversité et aux contrastes insensés, qu'on croirait dessinés par un artiste dément, je n'ai pu m'empêcher de penser aux jeux vidéo et à ce que j'ai recherché à travers eux depuis que je suis petit : un mystère ; un voyage facile dans des lieux irréels qui se dévoilent peu à peu ; une fascination panthéiste pour une nature pastorale, angoissante ou sublime (au sens de Burke). On sait que Shigeru Miyamoto, le créateur de Super Mario et The Legend of Zelda, aspire à transcrire dans ses jeux des sensations précieuses : celles qui l'habitaient quand, enfant, il découvrait des grottes ou d'étroits chemins dans les forêts de sa campagne natale. Et des titres aussi divers que Half-Life 2, Halo, Ico, Shadow of the Colossus, Silent Hill 2, Grand Theft Auto IV, Uncharted : Drake’s Fortune ou Psychonauts façonnent des mondes inoubliables, qui portent les traces d’un long passé, écrasent le joueur sous des perspectives monumentales ou utilisent l'espace comme une métaphore de l'esprit.

Je n'avais pas encore visité un pays capable de me procurer des émotions comparables. Et puis j'ai vu cette immense chaîne de cratères menant à un glacier de la taille de la Corse, ces nuages bas se déchirer en pleine tempête pour révéler le ciel bleu pendant une poignée de secondes, cette nature si hostile que pas un insecte, pas un animal ne peuvent s'y aventurer, ce lac couvert d’icebergs qui atteint 200 mètres de profondeur à certains endroits, ce volcan dont la dernière éruption, en 2000, a duré 11 jours, ces rideaux de pluie obscurcissant un panorama digne du Seigneur des Anneaux - désert de cendre noire et de rochers, petites rivières, glaciers, fumerolles, montagnes marrons, orangées et bleutées. J’en ai encore des frissons.



Dans des conditions aussi difficiles – il arrive que des touristes frôlent la mort voire trépassent sur le parcours que nous avons suivi -, une espèce de lien, de solidarité implicite se tissent souvent entre les randonneurs, unis dans l’adversité. Quand j’ai été contraint de m'allonger deux fois pour me protéger de la puissance inouïe du vent, quand de petits grêlons mêlés à de minuscules cailloux m’ont fouetté la peau et les vêtements, quand j’ai remonté une pente atroce sur un chemin glacé, je n’ai jamais été seul. J’ai régulièrement pensé au roman La Horde du Contrevent, incontournable chef-d’œuvre déjà évoqué sur ce blog. A ce passage, par exemple :
Sitôt qu’Arval sortait du Pack, je me retrouvais insuffisamment abritée, par intervalles soumise au plein vent. J’avais froid, cette impression, que je dispersais mal, d’être progressivement percée à nu et faufilée dans mes fibres. Mon pantalon faseyait aux mollets, le tissu tirait aux manches et au cou, jamais assez épais à cette vitesse, assez opaque. J’enviais les buissons, l’espace qu’ils s’aménageaient entre les branches pour laisser passer les gros flocons d’air… Depuis que j’étais petite, souvent le même rêve idiot : j’aurais voulu devenir, à ces moments, une haie de buis, pas cette voile de peau en travers du flux, ce tronc à plat sans même de racines aux pieds, pour s’associer à la terre…

Dans la ravine, la pluie si redoutée arriva d’un coup. Des billes d’eau éclatantes sur mon front, qui faisaient des ronds sombres dans mon maillot bleu… Et aussitôt l’averse vira au déluge, les gouttes devinrent si denses, et si puissant le vent, que je restai plusieurs secondes sur place comme un caillou ripant au fond d’une rivière en crue. Je reculais, la peur de décrocher au ventre…
— Rivek Dar, Arval !

Sur un appel de Golgoth, Arval rejoignit le Pack, je baissai la tête, tout le monde s’était resserré d’un seul coup, sans cris ni concertation, un réflexe animal de harde instinctive. On ne s’en sortirait pas seul, personne, pas même le Goth, on n’était qu’un petit tas de chair frêle en mouvement, soudés un bloc, désunis presque rien, à peine un billot de bois craquelé prêt à fendre sous la rafale, de la sciure à souffler à la bouche. Et tout le monde le savait, Pietro et Sov plus que tous les autres qui contraient une belle moitié du temps carrément dos à la pluie, tournés face à nous, pour mieux chaîner du geste et de la voix le Fer — le Fer au Pack, le Bloc aux crocs —, rien qu’avec des regards parfois, quelques mots de placement, de cadence ou d’amour.
« Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation », affirmait Debord dans la Société du Spectacle. La phrase est aussi péremptoire et contestable que peut l’être un aphorisme, mais elle m’est fréquemment venue en tête en Islande, où ce qui est « directement vécu » atteint un degré ultime de compacité, d’acuité et d’ineffabilité. Le plus ironique étant que mon appareil photo, capable de filmer des vidéos en haute définition, capturait bien plus fidèlement la réalité que mes yeux légèrement myopes. J’ai même quasiment redécouvert l’Islande en sélectionnant les photos et en montant le clip. Le réel plus fort que la représentation, la représentation qui dévoile le réel : c’est sur cette idée très hitchcockienne (Fenêtre sur Cour) ou de palmienne (la majorité de son oeuvre) que je conclus ces divagations.

lundi 20 juillet 2009

VOYAGE : MONTREAL ET NEW YORK

Des balades dangereuses, des panoramas vertigineux, des restaurants miam, des concerts de jazz, des acrobates en bateau, des sphères géantes pour hamster de 76 mètres de diamètre, des écureuils SDF, des sculptures monumentales, des faits divers terrifiants, des couchers de soleil américains, un loft gigantesque, un film de science-fiction minimaliste, l'atelier de Francis Bacon... Récit en images et en textes d'un mémorable voyage à Montréal, entrecoupé d'un retour à New York, un an après ma première visite.

vendredi 12 juin 2009

RENAISSANCES



Quand on délaisse temporairement un blog, c'est généralement pour de bonnes raisons : militer pour l'association de défense des sans-papiers Droits Devant !!, se réjouir de ses récents succès et appeler par ailleurs tous nos amis spongieux à la soutenir humainement et financièrement (voir la fin de cette page) ;

Suivre les aventures adorables, drôles et admirablement bien racontées de deux dents de lait sur un très beau blog photo ;

Ecouter le rock sinueux des Joggers ou le monstrueux dernier album de Dream Theater : 75 minutes et six morceaux aussi variés que consistants, dont cinq excellents (la preuve avec The Shattered Fortress, medley de folie qui synthétise quatre de leurs précédentes chansons) ;

Répondre aux lecteurs de Jeux Vidéo Magazine sur divers sujets : Violence et jeu vidéo : l'auto-critique ; Comment devenir créateur de jeu ? ; Le grand public va-t-il tuer le jeu vidéo ? ; Comment devenir journaliste ? ; Jeu vidéo et dépression ; La fin du jeu en solo ? ; Le jeu vidéo peut-il faire le bien ?... ;

Recommencer Final Fantasy VII (disponible depuis peu sur la boutique en ligne de la PlayStation 3) le week-end des élections et de la diffusion de Home, s'amuser que le jeu mette en scène des éco-terroristes et se souvenir de sa fin magnifique, sans doute prophétique... ;

Voir Welcome, fiction sur la condition des réfugiés et sur ceux qui les aident. Se dire qu'il s'agit avant tout d'un très bon film, sec, tendu, à la dramaturgie et à la mise en scène puissantes (superbement cadrées, les séquences de traversée de la Manche possèdent un vrai souffle). En conclure que c'est une sorte de version contemporaine d'un chef-d'oeuvre du cinéma d'anticipation : Les Fils de l'homme (même thème central, héros assez proches) ;


Découvrir enfin Terminator Renaissance. Louer sa mise en scène ambitieuse et élégante (dont les plans-séquences immersifs évoquent justement Les fils de l'homme), ses scènes d'action spectaculaires et lisibles, sa splendide photo cendreuse et désaturée, ses influences pertinentes (Mad Max II, La Route...). Frissonner devant le personnage de Marcus, très beau et bien écrit (background, relations avec les autres protagonistes, rôle dans l'intrigue, évolution, dialogues). Regretter les 30 minutes de scènes coupées. Et se dire que, malgré quelques rôles secondaires inutiles, des incohérences gênantes, une fin décevante et une bande-originale médiocre, McG signe un excellent film, gorgé de détails et d'idées (vivement un director's cut en DVD, pour l'instant hypothétique) ;

Regarder l'excellente "version interminable" (six heures !) de Dieu seul me voit. S'émerveiller de l'inventivité de la mise en scène ou du burlesque des situations. Rire de l'indécision et de l'incapacité à s'engager (sentimentalement, politiquement) d'Albert Jeanjean. Et retenir cette réplique, prononcée par Jeanne Balibar qui vient de lancer un verre d'eau à la figure d'Albert sans aucune raison : "Un acte libre est quelque chose d'absolument neuf, hors de notre histoire" ;

Se délecter de Tout ce que le ciel permet de Douglas Sirk, mélodrame d'une absolue perfection sur l'amour, le conformisme, la liberté et la pression sociale, et se demander quels cinéastes, aujourd'hui, savent aussi bien utiliser la lumière et la musique pour exprimer les émotions des personnages ;

Approuver Noël Burch lorsque, dans un livre remarquable et très documenté
, il assassine l'élitisme, le formalisme et la misogynie dont font preuve de nombreux films, critiques et cinéphiles. Admirer la rigueur et la finesse avec lesquelles il analyse des oeuvres qu'il estime, de La Garce à Blue Steel en passant par Mary à tout prix ou Showgirls -pour en savoir plus, lire ce billet en deux parties (1, 2) et cet article ;

Attendre l'été, les vacances, Montréal, New York et l'Islande. Et promettre à son Eponge domestique qu'on ne l'abandonnera pas trop longtemps.

IDEES : VIVRE L'UTOPIE

Visible entièrement sur Google Vidéo, le très beau documentaire Vivre l'utopie relate l'histoire de l'anarchisme espagnol et notamment celle de la révolution libertaire de 1936-1938, suivie par des millions de personnes (les passionnants détails de cette expérience autogestionnaire sont exposés à partir de 45 mns 15). Une trentaine d’anciens militants anarchistes y racontent la mise en pratique de leurs idéaux en Catalogne et en Aragon. Entre cette période, la Commune, les LIP en 1973 ou les réappropriations d'entreprises en Argentine depuis 2001, l'"utopie" n'en a pas toujours été une... Souvenons-nous en. Extraits des témoignages contenus dans le film :
"Je ne fais pas partie de ceux qui disent qu'il n'y a pas eu de querelles ou d'autres choses, mais l'ensemble de ce que fut le communisme libertaire, c'est l'unique solution qu'a l'humanité pour pouvoir bien vivre, il n'y a pas d'autre forme. On a démontré qu'il n'y avait pas besoin de guardia civile, de riches, de prêtres pour bien vivre. Ils sont les seuls qui paralysent la progression de la richesse (sourire). Car la seule richesse qui existe, c'est le travail".

"Quand les propriétaires de l'usine sont rentrés [à l'arrivée du franquisme], ils l'ont trouvée en bien meilleur état qu'ils ne l'avaient laissé, et la production avait doublé"